Dokument Nr. 20
EMINENCE
Je Vous ai écrit deux fois de Londres pour Vous tenir au courrant de mes démarches aupres des bolchévics; depuis j’ai reçu encore un document dont je joints la traduction et qui, je crois, confirme mon opinion que pour le moment il ne peut être quèstion de mon retour en Russie. Cela ne m’enleve [m’enlève] cependant pas l’obligation de penser à ce que l’on pourait [pourrait] faire pour ce malheureux pays et pour mon Eglise détruite.
L’épouvante me prends [prend], quand je pense à ce que je trouverai la bas [là-bas]. 4 ans pas de Séminaire, les dioceses [diocèses] de Minsk et de Riga m’enlèvent la plus grande partie de mon clergé, qui provient de ces pays; les Lithuaniens voudrons [voudront] tous revenir dans leur pays libre et je resterai avec une centaine de prêtres pour un territoire trois fois aussi grand que l’Europe entière. Ajoutez à cela que tout sur ce territoire est détruit et que je n’ai pas le [les] sous pour relever les ruines!
Il me resterait une planche de salut, si ici en Pologne il était possible d’organiser [une] Congregation [Congrégation] pour les Missions de Russie.
Si l’indifférence du RITE était définitivement concèdée [concédée] et le droit de fonctionner dans les deux rites accordé par le SAINT PERE pour les missionnaires de la Russie, nous pourrions nous modeler sur la Congrégation française des MISSIONS ETRANGERES et éssayer [essayer] d’établir un Séminaire pareil à celui de Paris dans une des villes universitaires de la Pologne. La diréction [direction] supérieure aurait pû [pu] être donnée à un de nos évêques, j’ai pensé à Mgr. Sigismond Lozinski, évèque [évêque] de Minsk, présentement prisonier [prisonnier] en Russie, qui sous peu je l’éspère [espère] sera remis entre les mains des autorites [autorités] polonaises à Riga. C’est un homme qui comprends bien les conditions d’une mission en Russie et qui se distingue personnellement par sa valeur morale et intélléctuelle [intellectuelle]. Pour les besoins du rite oriental il nous faudrait développer l’institut des Frères, auxquels il faudrait donner les ordres mineurs et le diaconat permanent et pour les quels seraient à poser des éxigences [exigences] moindres quand aux savoir théologique et général. Afin qu’une entreprise pareille ne porte pas un cachet de dilettantisme il nous faudrait pour commencer des INSTRUCTEURS éxperimentés [expérimentés]; et pour cela j’ai pensé aux REDEMPTORISTES, qui sont très bons en Galicie et ont un homme, le Rev. Pere [Père] Bernard Lubenski, qui, je crois, serait à la hauteur d’une tâche si haute, et qui consentirait à s’yvouer [y vouer] si ses Supérieurs la lui imposaient.
Du moment qu’il s’agirait de missions avouées en Russie avec les deux rîtes [rites], tout nationalisme polonais serait inoffensif, et alors ce sont certainement les Polonais qui sont les premiers appelés à porter la Foi en Russie: Les langues sont proches et les polonais apprennent facilement le russe, ils comprennent mieux que tous autres la mentalité russe, ils sont géographiquement forcés à être en contact continuel avec leurs voisins et tout ce que disent des personnes, qui ne connaissent pas ces pays sur une soidisante [soi-disante] haine mutuelle est absolument faux.
J’ai déjà un noyau de jeunes prètres [prêtres], qui seraient près à se vouer à une oeuvre [œuvre] pareille, et du moment ou [où] cette idée prenderait [prendrait] chaire, je ne doute pas qu’un nombre assez grands de candidats se trouverait. Avec le temps certainement des jeunes russes se joinderaient [joindraient] à cette Congrégation pour les quels ce serait un avantage énorme de pouvoir trouver leur éducation religieuse et théologique près des frontières de leur pays.
Le porteur de cette lettre, le curé de CHARDIN en MANDJOURIE Mr. L’abbé OSTROWSKI, a été en rapports avec les missionnaires en Chine de la Congrégation des Missions Etrangères, c’est de la qu’il puisa l’éspoir [espoir] de voir une organisation pareille surgir chez nous et je vois en cela qu’il vint à moi avec cette idée justement quand je cherchais un salut pour mon Eglise dévastée, une indication du ciel. Aussi est ce lui que je laisse aller à Rome avec cette lettre, dans l’espoir, que si DIEU le veut, IL agira par lui, malgré que de sa personne mon envoyé ne paye ni de mine, ni d’éloquence.
Cette oeuvre [œuvre] pourrait fort bien être sous l’égide de la Sainte Congregation [Congrégation] Orientale, qui pour la Russie ne pourra pas se passer aussi du rîte [rite] latin, car enfin il faut bien reconnaitre [reconnaître], que tout ce qui est catholique en Russie présentement appartient au rîte [rite] latin.
Je remets cette affaire avec confiance entre les mains de Votre Eminence, convaincu que Votre Eminence sera d’accord avec moi en ce qu’on ne peut attendre passivement le moment ou [où] une action en Russie deviendra possible, sans tâcher de s’y préparer d’avance.
Si cependant à Rome on se prépare au rude travail qui attends l’Eglise en Russie, et si je dois y retourner au premier moment possible, je crois que c’est bien moi qui devrait être tenu au courrant des projets et préparatifs pour l’action future, or comme jusqu’à present [présent] je ne sais rien, je crainds [crains] que les évènements ne nous trouvent tout à fait non préparés.
Ici en Pologne, à côté de beaucoup de mauvais, qui du reste après 148 ans de servage n’est pas a eviter [éviter], il y a cependant aussi beaucoup de chaleur de sentiments religieux; ainsi aujourd’hui j’ai ete [été] instamment demander de faire [nicht lesbar] possible pourque l’ASSOMPTION de la S.V.M. fut dogmatisé, comme cause on cite le fait de la miraculeuse liberation [libération] de la ville de Varsovie des bolchevics LE 15 AOUT de l’annee [année] passee [passée].
Je reconnais volontiers l’intercession de la Sainte Vierge dans le fait de la liberation [libération] de la ville d’un terrible danger imminent, et voilà pourquoi je joins ces quelques mots a [à] cette lettre, ou au fond ils n’ont pas de raison d’être.
Agreez [Agréez] Eminence l’expression de mon obeissssence [obéissance] et permettez-moi de me dire de Votre Eminence les Très humble serviteur et frere [frère] en NOTRE SEIGNEUR.
gez. Eduard de Ropp
VARSOVIE
14 Février 1921